LA JUSTICE OU LE SYNDROME DE JEAN VALJEAN (1/3)

Quelle aurait été sa peine en volant 5 croissants et 2 brioches EN PLUS de son pain ?

Dans le roman de Victor Hugo « Les Misérables », Jean Valjean est condamné à CINQ ANS de bagne pour avoir VOLÉ UN PAIN afin de nourrir sa famille.

À quelle peine aurait-il fallu condamner Jean Valjean s’il avait pris 5 croissants et 2 brioches EN PLUS ?

La QUANTITÉ volée est précisément le sujet de ce premier billet, la sanction MINIMALE INCOMPRESSIBLE celui de la semaine prochaine et les FAÇONS D’ÉVITER la peine, celui d’un dernier billet.

PROPORTIONNALITÉ DE LA PEINE – PEINE MARGINALE

CONCERNANT L’UNIQUE CRITÈRE DE LA QUANTITÉ :

  • Y a-t-il une RÈGLE LOGIQUE et COHÉRENTE de fixer la sanction à laquelle le voleur/tueur pourrait se référer ?
  • Y a-t-il une – ou plusieurs – façon(s) de tuer/voler plus FAVORABLE(S) pour le condamné que d’autres ?

QUELQUES NOTIONS DE MATHÉMATIQUES

De l’école secondaire, il me reste quelques notions de base. Notamment les différences de relations qui existent entre les unités dans les fonctions linéaires, affines et logarithmiques.

LINÉAIRE. C’est le domaine du progressif, c’est le prix au kilo. Si un kilo de durians (vous vous souvenez ?) coûte CHF 3.30 alors 5 kilos des mêmes durians coûtent CHF 16.50. Le calcul du prix est simple, direct et toujours proportionnel à la quantité de durians.

AFFINE. C’est le même principe que la fonction linéaire, mais avec un coût de base fixe. Le meilleur exemple est la course d’un taxi. Le taxi – à Genève – vous demande un coût au kilomètre de CHF 3.20 auquel il rajoute une taxe de prise en charge unique de CHF 6.30.

Ainsi 10 kilomètres en taxi coûtent une unique fois CHF 6.30 (prise en charge) et 10 km x CHF 3.20 soit CHF 38.30.

Donc à chaque fois on aura un unique montant de CHF 6.30 (prise en charge) qui sera ajouté au prix des kilomètres parcourus.

  • Pour 20 kilomètres: CHF 70.30 (soit 1 x CHF 6.30 de prise en charge + 20 x le prix de 1 kilomètre CHF 3.20).

LOGARITHMIQUE. C’est un peu plus compliqué. Cela s’applique notamment aux décibels. Sachez que si une trompette, ou un orchestre ou en enfant fait un certain bruit, pour DOUBLER ce bruit, il ne faudra pas 2 mais 10 trompettes, orchestres ou enfants. Pour le tripler il faudra 100 trompettes, orchestres ou enfants.

C’est plutôt une bonne nouvelle pour les familles nombreuses, car le bruit n’augmente pas linéairement avec le nombre d’enfants.

Une chance que le bruit ne soit pas – linéairement – proportionnel au nombre des supporters.

LA PROGRESSION DE LA SANCTION

LES FAITS

Un homme – fictif – est jugé pour le meurtre de sa femme. Il écope de 15 ans de prison ferme.

À combien d’années de prison ferme faut-il condamner ce même homme pour avoir non seulement tué sa femme, mais en plus ses deux enfants et ses beaux-parents ?

  • RÉPONSE LINÉAIRE : 75 ans soit 5 personnes à 15 ans/personne
  • RÉPONSE AFFINE : 1 fois une certaine peine pour le principe – inacceptable – d’avoir tué et 5 fois une autre peine par personne tuée. Imaginons par exemple 10 ans fixes + 5 ans /personne. Sa femme uniquement ferait 10 + 5 = 15 ans alors que sa famille entière ferait 10 + (5 x 5) = 35 ans
  • RÉPONSE LOGARITHMIQUE : Si la peine est de 15 ans pour une personne et si mes souvenirs scolaires sont bons, la deuxième personne tuée augmenterait la peine de 4,5 ans environ, la troisième de 2,6 ans, etc. La peine marginale étant dégressive, il faudrait tuer 10 personnes pour avoir 2 x 15 ans, soit 30 ans de réclusion.

LA SANCTION DE L’UNITÉ MARGINALE

Quelle est la peine encourue pour l’UNITÉ MARGINALE, ou dit autrement la peine encourue – dans notre cas – pour la 5ème personne tuée ?

  • LINÉAIRE : 15 ans
  • AFFINE : 5 ans
  • LOGARITHMIQUE : moins de 17 jours

MORALITÉ

Les systèmes semblent être équitables – du point de vue des victimes – seulement dans les cas suivants :

  • LINÉAIRE : pour 1 à 5 victimes (qui sont traitées de la même manière) au-delà les peines dépassent l’espérance de vie du fautif.
  • AFFINE : pour 2 à 10 victimes (qui sont traitées de la même manière) au-delà les peines dépassent l’espérance de vie du fautif.
  • LOGARITHMIQUE : peut s’appliquer à n’importe quel nombre de victimes, y compris au génocide (mais aucune victime n’est traitée de la même manière). Néanmoins c’est la seule manière de punir en tenant compte de l’unité marginale.

La justice – quelque soit le système appliqué – est un mot inventé par l’homme, pour une notion qui n’existe pas.


La symbolique des « trois singes » par Alexandre Sattler

LA VALEUR DISSUASIVE DE LA SANCTION MARGINALE

A partir de quand la peine – de l’unité marginale – n’est-elle plus dissuasive ?

  • LINÉAIRE : chaque nouvelle personne tuée augmente la peine de 15 ans.

Vous êtes puni PROPORTIONNELLEMENT. Il vaut mieux vous arrêter le plus vite possible.

Jean Valjean a bien fait de s’arrêter au vol du STRICT NÉCESSAIRE.

Néanmoins, à partir d’un certain nombre d’années de prison, cela dépasse votre espérance de vie et la peine marginale N’EST PLUS DISSUASIVE.

  • AFFINE : même punition PROPORTIONNELLE, sauf que les peines additionnelle sont beaucoup plus faibles, ici 5 ans, car la première peine est MAJORÉE.

Jean Valjean aurait eu moins de raisons de s’arrêter au vol du STRICT NÉCESSAIRE car le vol d’un DEUXIÈME PAIN, aurait été moins sanctionné que le premier.

  • LOGARITHMIQUE : la punition diminue très – très – rapidement. La punition est la même pour le vol du premier pain, le vol des 9 suivants ou des 90 supplémentaires.

Cela ne peut qu’encourager les génocides car le nombre n’influence la peine que de façon MARGINALE.

Jean Valjean aurait pu, non seulement voler le strict nécessaire, mais TOUTE LA BOULANGERIE, quitte à revendre le solde de son larcin pour se fournir en BEURRE et en CONFITURE.

Hormis les 5 croissants et 2 brioches de Jean Valjean, ces raisonnements sont également valables pour le vol ou la fraude (CHF 10’000.- ou CHF 30 millions), le dépassement de vitesse (+ 2 km/heure ou + 40 km/heure) ou le meurtre (1 personne ou plus de 100 sur une terrasse à Paris).

La fixation de la PEINE ENCOURUE pour l’UNITÉ MARGINALE est très importante. En effet le meurtre de la 5ème personne se doit – ou se devrait en respect pour sa mémoire – d’être punie avec une certaine correspondance avec la peine encourue pour la deuxième personne par exemple.

Le raisonnement est encore assez maîtrisable pour 5 personnes, mais qu’en est-il pour un génocide ? C’est une vraie question, même si personne ne la pose jamais et pour laquelle je n’ai – évidemment – pas de réponse infuse.

La solution vient peut-être de celui qui a créé Jean Valjean

Je suis ABSTENTIONNISTE car notre justice n’a rien à envier à celle qui a puni Jean Valjean. La justice est une chose beaucoup trop précieuse pour la laisser dans les mains des juges et des procureurs. La JUSTICE doit faire l’objet d’une remise en cause fondamentale, d’une refonte, d’une vision de SOCIÉTÉ dont elle est un pilier.

La BONNE NOUVELLE nous vient peut-être du créateur de Jean Valjean lui-même. Victor Hugo nous dit « Ouvrez des écoles, vous fermerez des prisons ».

Il a peut-être compris qu’avant de rendre la justice, il faut tout faire pour éviter de la rendre, en d’autres termes, qu’il vaut mieux prévenir que guérir.

L’AUTRE BONNE NOUVELLE est qu’il nous faut accepter que notre justice est tout-à-faite humaine, limitée, imparfaite et le restera toujours.

Il faut commencer par la tolérance de la différence. Il faut accepter les visions des MINORITÉS. Et dans ce cas précis, la DÉMOCRATIE qui ne fonctionne que selon la règle de la majorité qui arbitre tout, fait TOUT FAUX et à TOUT À APPRENDRE.

Soyons en même temps fermes et rigoureux, mais soyons également plus philosophes et tolérants. Rediscutons d’une application de la justice EN PHASE avec notre société actuelle y compris dans ses DIFFÉRENCES.

Je vous souhaite, une douce et agréable journée.

PS: Si Jean Valjean n’avait volé qu’un seul croissant, aurait-il été puni ? La semaine prochaine, je vous parle des sanctions minimales. A jeudi prochain.