Qu’avons-nous fait des US$ 8 milliards/an offerts par la chute de Kodak ?
LES FAITS
Le capitalisme désigne un système politique et économique reposant sur la propriété privée, le libre échange des marchés et la libre concurrence, structuré en vue de maximiser les profits et d’accumuler du capital.
Or aujourd’hui plus personne ne paie sa pellicule Kodak. Le marché a DISPARU. Il n’y a plus de place pour un échange qui fait du profit. L’échange commercial, économique, financier, a disparu. Il n’est pas COMPENSÉ par des publicités, ni par le relevé de coordonnées personnelles, ni par rien d’autre d’ailleurs. C’est GRATUIT. La pellicule est devenue INUTILE et OBSOLÈTE comme le sont les calèches et les scribes.
Kodak avait un marché de US$ 8 milliards/an. Du point de vue du capitalisme, ce marché a DISPARU. Il n’est plus monnayable. On ne peut plus le transformer en source de GAIN FINANCIER.
PASSER AU GRATUIT
Il en est de même de plus en plus – et c’est historique – dans beaucoup de domaines. C’est irréversible, quoi qu’on en dise, quoi qu’on en pense. La partie qui devient gratuite force une MUTATION (car l’amélioration ne suffit pas). Avec cette MUTATION arrive d’un côté les pertes d’emplois mais également les gains d’opportunités.
Lors de la chute de Kodak, ce sont plus de 135’000 personnes qui ont perdu leur travail chez Kodak et encore beaucoup plus dans le monde (photographes professionnels, laboratoires d’impression) mais c’est aussi US$ 8 milliards/an d’augmentation du pouvoir d’achat par an.
Lorsqu’un domaine devient gratuit, qu’il sort du registre monétisable, c’est une perte pour les fournisseurs, mais en MÊME TEMPS c’est un gain pour les clients.
Qui – aujourd’hui – payerait un scribe/copiste pour TRANSFÉRER un texte sur un SUPPORT PHYSIQUE ? C’était pourtant la SEULE SOLUTION avant le XVème siècle et l’apparition de l’imprimerie.
Qui – aujourd’hui – défendrait le métier de scribe/copiste, demanderait au gouvernement des subventions, des protections de l’emploi ? Qui exigerait des taxes sur les imprimantes lasers, les ordinateurs ou mêmes les téléphones portables ? Qui restreindrait l’usage d’internet uniquement pour SAUVER LES SCRIBES/COPISTES ?
P E R S O N N E. Absolument personne (même si c’est ce que certains voudraient faire pour sauver les journalistes).
QUE FAISONS-NOUS DE CE GAIN, DE L’AUGMENTATION DE NOTRE POUVOIR D’ACHAT ?
On aimerait tous, EN MÊME TEMPS
- GARDER notre situation – de rente – professionnelle mais
- NE PLUS PAYER pour la pellicule
En d’autres termes
- nous ACCEPTONS l’augmentation du pouvoir d’achat
- pour autant qu’elle se fasse AUX DÉTRIMENT DES AUTRES uniquement.
QUEL EST LE DANGER POUR LE CAPITALISME ?
Le DANGER vient du fait que lorsque la partie gratuite – de l’objet ou/et du service – qui ne peut aller qu’en augmentant – suffira à couvrir – quasi – l’ENSEMBLE des BESOINS, le capitalisme n’aura plus rien à VENDRE. On se passera de lui. On l’aura rendu obsolète. (Kodak n’a plus rien à vendre – Kodak est mort). Le capitalisme n’a PLUS PRISE.
L’utilisation a EXPLOSÉ.
Il y a – paradoxalement – une EXPLOSION des utilisations quand les coûts ont disparu.
Pensez par exemple aux journaux. Vous trouvez l’information – gratuite, diverse, complète et souvent nuancée – partout si vous vous en donnez la peine. Vous pouvez même faire partie de ce monde de l’information. Pensez à wordpress (logiciel gratuit avec lequel j’écris et je publie présentement) avec une diffusion (à ne pas confondre avec lecture) quasi illimitée.
Dans les commentaires, les journalistes sont – petit à petit – remplacés par des spécialistes qui en savent beaucoup plus, qui n’ont pas besoin d’écrire pour vendre de la publicité et qui sont – très souvent – au coeur même des problèmes.
La GRATUITÉ permet de donner aux gens un DROIT. Ensuite libre à eux de l’exercer selon leur bon vouloir. A la chute de Kodak, on peut dire que les gens ont acquis le DROIT à l’IMAGE. On pourrait parler d’un droit à l’échange téléphonique également et peut-être – bientôt – d’un droit à l’information, un droit à la recevoir mais aussi à la donner.
LA DÉMOCRATIE N’Y EST POUR RIEN
L’acquisition de ce droit ne s’est pas faite grâce à la démocratie, qui n’y est pour rien au contraire (elle qui protège Swisscom en voulant taxer des sociétés qui nous apportent des DROITS GRATUITEMENT).
A chaque fois on note que l’évolution a 2 aspects :
- l’obsolescence du système en place
- des pans entiers perdent irrévocablement leur raison d’être monnayable (les « scriptes » perdent irrévocablement leur droit à une rémunération).
- une explosion de nouvelles possibilités
- des domaines inconnus proposent un potentiel énorme de possibilités jusqu’alors inaccessibles (grâce à l’imprimerie le domaine de l’édition a explosé).
Ce CHANGEMENT est le même à chaque « révolution ». L’ordinateur personnel, la photo numérique, l’enregistrement du son numérisé, la communication par satellite d’abord, puis par internet, etc.… Ce qui est nouveau c’est qu’il va de plus en plus vite et qu’il est de plus en plus global, touchant non seulement les maréchaux-ferrants, les producteurs de calèches ou les typographes, mais entraînant avec lui – plus ou moins – l’ensemble du système.
Celui-ci a donc un grand besoin de s’y préparer. C’est même devenu une urgence, une condition de survie.
QU’AVONS-NOUS COMPRIS A L’ÉCONOMIE DU GRATUIT ?
Aujourd’hui plus personne ne veut PAYER pour la pellicule Kodak. Seuls les employés de Kodak aimeraient – pour sauver leur poste de travail – que le gratuit ne s’applique pas à leur domaine. Les journalistes ont – actuellement – la même demande pour la même raison.
Mais il ne faut pas confondre le PRIX demandé en raison du BESOIN du fournisseur, (la pellicule pour les employés de Kodak, les journaux pour le salaire des journalistes) avec la VALEUR du produit ou de la prestation (remplaçable dans les deux cas).
Bien sûr, il existera toujours quelques IRRÉDUCTIBLES de la PELLICULE ARGENTIQUE (et des informations fournies par des journalistes), mais le BESOIN de survie des fournisseurs ne suffira pas – sauf distorsion du marché par des faiseurs de politique en mal d’électeurs – à inverser le mouvement du gratuit.
Et c’est tant mieux. Sauf à considérer la survie des fournisseurs directs et indirects, tout le monde profite de cette gratuité. Aujourd’hui personne ne se plaint de prendre des « selfies » gratuitement.
Que faisons-nous de cette augmentation du pouvoir d’achat ? Que faisons-nous du gain ainsi acquis ? Où va-t-il ?
Principalement à 2 endroits :
1.- L’ARGENT
Le montant « gagné » est réalloué à autre chose. Le budget des pellicules des vacances est dépensé en glissant une pièce à la femme de ménage qui fait la chambre de votre hôtel (et vous créez un nouveau monde économique du gratuit) ou en vous payant un apéritif supplémentaire au bar de l’hôtel (et vous n’avez rien compris de ce qui est en train de se passer en nourrissant le système économique de votre gain).
Avoir plus d’argent, c’est facile. Il y a toujours une raison pour le dépenser. Et paradoxalement il y a également toujours une bonne raison de se plaindre de ne pas avoir de nouvelles prestations gratuites (transports en communs, crèches) et de se plaindre de ne pas avoir assez de TEMPS.
Or l’augmentation du pouvoir d’achat devrait moins se trouver dans la possibilité de PAYER une crèche pour son enfant que de passer du TEMPS avec lui.
2.- LE TEMPS
Votre pouvoir d’achat augmentant, vous pouvez décider de DIMINUER votre temps de travail pour réallouer le GAIN en temps à écouter vos enfants, à visiter vos voisins, à aider vos parents. Vous faites alors partie des 35% de la population active suisse n’occupant pas un poste à 100%.
La GRATUITÉ devient alors un GAIN DE TEMPS et l’amorce d’un nouveau projet de société. La gratuité c’est un pari sur l’intelligence collective, un pari sur l’existence d’autres modes de vie.
Mais y sommes-nous prêts ? Avons-nous compris l’exercice ? Comment l’anticiper ?
Nous avons une AUTRE OCCASION UNIQUE de valoriser une augmentation du pouvoir d’achat de CHF 8 milliards. Remplaçons l’achat – inutile – des avions de combat par quelque chose d’intelligent.
Rendons GRATUIT – un bien et/ou un service – à la communauté, quelque chose qui coûte aujourd’hui CHF 8 milliards.
L’ÉCONOMIE DU DON
L’argent perd de plus en plus sa valeur d’être la seule motivation. Avec des projets participatifs du type de Wikipédia, « d’altruisme économique et de partage » il y a peut-être d’autres façons de créer et de distribuer de la valeur.
Actuellement la mode est d’exiger la gratuité. Tout le monde veut la GRATUITÉ des transports par exemple. Or si les bénéficiaires de cette gratuité ne la transmettent pas en tant que telle mais en font un gain privé et personnel, nous n’aurons pas avancé d’un pas dans l’intelligence collective dont il est question ci-dessus.
L’objectif de l’économie du don est que nous retrouvions – et développions – les valeurs réelles, celles que l’on ne peut ni acheter ni vendre, celles qui nous feront sortir du système économique et capitaliste.
Tirer profit de la GRATUITÉ et la monnayer (deuxième apéritif au bar de l’hôtel) montre que nous n’avons rien compris au changement, que nous ne méritons pas ce DON, car nous ne sommes rien d’autres que des voleurs.
Un peu polémique, j’en conviens.
Je suis ABSTENTIONNISTE car notre système – DÉMOCRATIQUE – valorise encore – malgré le développement du gratuit – l’accumulation du profit. Les VALEURS défendues par la démocratie, ne vont pas – encore – dans le sens de l’évolution.
La DÉMOCRATIE ne développe pas de nouvelles valeurs propices au changement, au contraire elle défend l’obsolète (Swisscom) et taxe les sociétés qui nous apportent de NOUVEAUX DROITS (whatsapp) GRATUITEMENT.
La BONNE NOUVELLE est que si l’argent peut faire le bonheur, une étude menée par des chercheurs de l’Université de Princeton a montré que ce n’est vrai que jusqu’à un revenu de US$ 75 000.- par an, mais qu’au-delà le bonheur n’est plus proportionnel.
L’AUTRE BONNE NOUVELLE est que selon l’étude d’ADP de 2018, les actifs européens ne sont que 47% (en Suisse 35%) à placer leur salaire en première position parmi leurs arguments de motivation. Puis suivent dans l’ordre, l’équilibre entre la vie professionnelle et la vie personnelle (22%), la relation avec les collègues (21%) et la reconnaissance de leur travail (18%).
(Je sais, ça ne fait pas 100 %, mais vous trouverez le détail ici pages 23 et 24)
Le capitalisme et sa recherche unique du profit vont devenir obsolètes. Et c’est tant mieux. Bienvenu dans ce nouveau monde en chantier et en formation.
Je vous souhaite une douce et agréable journée.
PS: La semaine prochaine je vous parle d’un remède au dictât de la majorité en démocratie. Je vous parle de la fédération de volley-ball. A jeudi prochain.