« Si l’on en fait un absolu, l’égalité est une absurdité puisqu’elle est radicalement étrangère à la nature » ABBÉ PIERRE
L’ÉGALITÉ
Comme l’ÉGALITÉ ne peut être absolue, que voulons-nous qu’elle soit ?
Tentons de définir l’objectif précisément, car soit :
- L’ÉGALITÉ est une intervention PONCTUELLE – plus ou moins unique – qui consiste à donner à tous la même chance de prendre part à la course en n’intervenant que PRÉVENTIVEMENT (accès à tous au système scolaire) et en laissant se dérouler la compétition naturellement sans intervention d’aucune sorte sur le RÉSULTAT.
- Tout le monde peut prendre le départ. Le vainqueur devient riche et célèbre, le 4ème tombe dans l’inconnu et accessoirement dans l’alcool (chacun choisit son médecin selon ses propres critères et le paie selon ses propres moyens)
- L’ÉGALITÉ est de pouvoir se trouver sur la ligne de départ
- L’ÉGALITÉ est une intervention RÉGULATRICE – souvent répétitive – qui consiste à diminuer les différences tout au long de la course en « handicapant perpétuellement » les meilleurs et en favorisant systématiquement les suivants.
- Tout le monde peut prendre le départ. Le résultat individuel n’a pas d’importance. Le vainqueur n’est pas acclamé. L’important est de s’entraider durant le parcours, même si à cause de cela personne ne peut atteindre l’arrivée (les cordées d’alpinistes)
- L’ÉGALITÉ est de faire croire qu’on peut faire la course – avec l’aide des autres – quelque soit son niveau de compétence
Aucune des deux options n’est satisfaisante, je vous l’accorde. Dans les deux cas, les « faibles » restent faibles et pénalisants. Faisons encore un effort et une nouvelle proposition.
Pour (r)établir l’ÉGALITÉ, il y a une première manière facile et – relativement – équitable :
LE COMBINÉ DE PLUSIEURS CRITÈRES
L’heptathlon est le combiné de sept épreuves d’athlétisme. Les compétiteurs participent aux sept épreuves. Ils cumulent les points obtenus dans chacune des épreuves. Le gagnant est celui qui a le plus de points après toutes les épreuves.
Les FAIBLESSES dans un domaine sont compensées par les FORCES dans un autre domaine.
Intéressant, mais on n’atteint JAMAIS un record mondial dans un épreuve spécifique. En effet en moyenne, les athlètes atteignent 91.16 % des records mondiaux avec un maximum de 97.29 % pour le 110 m haies et un 76.49 % pour le lancer du poids.
Il existe aussi le triathlon, le pentathlon et le décathlon avec un combiné de 3, 5 et 10 épreuves. Sans parler du simple combiné qui concerne le plus souvent 2 épreuves.
Cette solution soulève cependant le problème de :
- CHOISIR les disciplines (faire des confitures, parler iranien et savoir siffler, devraient – idéalement – apporter des points).
- COMPARER les résultats des différentes disciplines entre eux (quelle importance relative donner à la confiture de coings au gingembre, au subjonctif imparfait du verbe gésir en iranien et au sifflement de la partition du piccolo de la traviata ?)
Question subsidiaire : n’est-ce pas exactement ce qui se passe aujourd’hui lorsqu’on rencontre quelqu’un ? C’est l’ENSEMBLE de ses qualités et de ses défauts qu’on JUGE, chacun d’ailleurs, selon ses propres critères de comparaison.
Et donc PERSONNE n’est COMPARABLE à quelqu’un d’autre. En d’autres termes l’ÉGALITÉ – même GLOBALE – n’existe pas.
LE HANDICAP
Il existe encore une autre option, le handicap qu’on trouve – par exemple – dans le golf.
Le handicap dans le golf est le nombre qui définit le niveau du joueur. Il indique les coups en plus que le joueur est autorisé à faire pour rester dans les points. Il est compris entre 0 et 53,4.
On pourrait envisager un système de handicap dans n’importe quel autre sport. On le fait bien dans le domaine des impôts (taux progressif), des assurances voiture (bonus-malus), de la justice (sévérité du jugement en fonction des antécédents), de l’héritage (couples marié ou non) ou de l’âge légal de la retraite (femme-homme) ou encore de la LAMAL (canton de domicile).
Mais il faut savoir une chose importante, jamais mentionnée, le handicap procure un avantage à la personne à qui on l’impose.
UNE ÉTUDE
Une étude réalisée par des chercheurs britanniques a comparé deux groupes de rugbymen professionnels qui s’entraînaient selon deux conditions différentes : AVEC ou SANS handicap.
Le handicap consistait en la résistance apportée par une luge représentant 12.6% de leur masse corporelle (voir image ci-dessous).
À l’issue de ces entraînements, les chercheurs ont constaté que le groupe avec une « luge-handicap » a eu une progression significativement meilleure que celle du groupe sans handicap.
Cette étude a démontré qu’une résistance équivalente à 12.6% de masse corporelle permettait de meilleurs gains en vitesse.
Les mécanismes exactes qui permettent ces gains n’ont pas encore été clairement définis. Mais il est important de noter que la charge « handicapante » supplémentaire utilisée (12.6% de la masse corporelle) correspond à une charge optimale qui aurait l’avantage de ne pas altérer la dynamique du mouvement tout en fournissant un stimulus suffisant pour provoquer une adaptation positive et une amélioration des résultats.
Ceci est très étonnant et très intéressant. Cela nous amène deux constatations concernant le HANDICAP :
- Lorsqu’on PÉNALISE LES MEILLEURS (jusqu’à un certain point, ici 12.6%), on ne rend pas service aux suivants car LES MEILLEURS deviennent encore MEILLEURS.
Ceux-ci en effet, déjà meilleurs au départ, vont être stimulés par le handicap et trouver de nouvelles solutions pour le combler. Les exemples connus sont nombreux, depuis la prohibition, les taxes douanières ou les impôts. - Il y a une LIMITE (ici 12.6%) où les MEILLEURS – acceptant leur handicap – trouveront encore une raison de jouer avec le groupe.
Hors cette limite, le risque existe qu’ils ne viennent plus jouer (plus de solidarité avec un groupe TROP FAVORISÉ) – et trouveront des ÉCHAPPATOIRES (paradis fiscaux pour contrebalancer l’hyper socialisation d’une société trop favorisée)
Je suis ABSTENTIONNISTE, car je trouve le handicap imposé aux meilleurs largement AU-DESSUS de ce qui est acceptable pour rester solidaire avec un groupe trop fortement favorisé par une majorité ochlocratique.
En réalité, la véritable INÉGALITÉ est celle que nous avons devant l’obstacle.
- certains vont être stimulés
- certains vont être découragés
Ni les allocations, ni les compensations, ni les freins n’y pourront rien. La véritable INÉGALITÉ est celle que nous ACCEPTONS d’avoir devant l’obstacle et dont nous sommes les seuls RESPONSABLES.
Si elles veulent l’ÉGALITÉ mathématique, pourquoi 52 % des votants qui sont des femmes n’élisent pas 52 % de femmes ? Réellement ?
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Cette INÉGALITÉ – le plus souvent – n’est pas sociétale, elle n’est pas due à la chance ou la malchance, au hasard ou au destin. Elle est individuelle et elle dépend de chacun d’entre nous. C’est notre choix.
L’ÉGALITÉ uniquement en SITUATION D’INFÉRIORITÉ
Vous êtes pour l’égalité. Bien. Mais vous jouez toutes les semaines au jeu le plus injuste qui soit, la Loterie Suisse Romande. Pouvez-vous me dire comment vous envisagez de répartir – de façon égalitaire – la somme du gros lot – à supposer qu’il vous échoie ? Vous n’avez pas envisagé de répartir votre lot ? Cela ne m’étonne pas. Le désir d’ÉGALITÉ c’est quand on est en SITUATION D’INFÉRIORITÉ uniquement.
La BONNE NOUVELLE est que nous avons tous des capacités qui ne demandent qu’à être reconnues (par nous en premier). Et en définitive l’INÉGALITÉ nous avantage, même si nous ne le reconnaissons pas actuellement, car elle nous fournit une RENTE de SITUATION.
Qui n’a rêvé un jour d’être Mozart ?
Mozart n’a pas laissé de souvenirs impérissables dans de très nombreux domaines. A ma connaissance, ses œuvres étaient principalement centrées sur la musique et ses tableaux, dut-il en avoir faits, sont beaucoup moins, sinon, pas connus (tout comme sa recette de confiture aux coings et au gingembre).
Vous ne rêvez que d’un égalisation pour ce qui vous MANQUE sans jamais envisager un ÉCHANGE avec ce que vous avez. C’est humain.
Mozart n’a jamais eu le SUV que vous venez de vous offrir. Mozart n’a rien fait après 40 ans. Passé cet âge vous êtes définitivement meilleur que Mozart. Dans TOUS les domaines.
Lorsqu’on réclame l’ÉGALITÉ , on est très (trop) sélectif. On ne prend que quelques aspects choisis. C’est un déni de la RÉALITÉ. Car nous sommes TOUS UNIQUES et nous avons TOUS une RENTE de SITUATION.
L’AUTRE BONNE NOUVELLE c’est que l’ÉGALITÉ est souvent gérée par un autre système. On a tous fait l’expérience d’un retour de balancier, positif ou négatif. Certains l’appellent le karma.
Les gagnants ne sont pas toujours ceux qu’on croit.
Dans le cadre de mes affaires, je me suis trouvé un jour devant une juge qui avait tous les pouvoirs (dans le cadre de cette affaire). Mais elle venait de perdre sa fille dans un accident. Je me suis trouvé très chanceux, du bon côté. Pour rien au monde je n’aurais échangé ma position contre la sienne, malgré son pouvoir (mais en fait quel pouvoir ?). Pour rien au monde je n’aurais revendiqué l’ÉGALITÉ de traitement. Dans cette affaire, que j’ai perdue, l’INÉGALITÉ est un cadeau, j’ai toujours ma fille.
Il y a le principal, l’essentiel. Le reste n’a pas d’importance. Et s’il ne reste qu’une tranche de tarte au chocolat blanc, contrairement au dogme de l’ÉGALITÉ entre les sexes, je me ferai un plaisir de la céder à ma femme et de me contenter d’un café (et de l’addition évidemment).
Je vous souhaite une douce et agréable journée.
PS: La semaine prochaine je vous parle de solidarité. A jeudi prochain.